81- Le livre du fou rire

Samedi matin, j'ai fait rire une mama africaine à l'arrêt de bus. Je ne sais pas comment j'ai fait, mais elle rigolait tellement que j'en rajoutais, exprès, pour qu'elle continue de rire, parce que j'aime bien moi quand les gens ils rient.
J'aurais raconté tout ce que je lui ai dit à quelqu'un d'autre, on m'aurait seulement dit que ce n'était pas possible ou que j'avais vraiment beaucoup d'imagination. Ce qui est le truc le plus sympa qu'on peut dire à quelqu'un qui nous semble irrationnel. Ben oui, de nos jours, affirmer à quelqu'un que Dieu est un extraterrestre, c'est plutôt risqué : on pourrait presque être accusé de blasphème. Mais elle, elle a rigolé. Pourtant, elle est croyante. Ça montre que certaines personnes sont encore capables d'avoir de l'humour et de croire en Dieu en même temps. À savoir que c'est elle la première qui m'a parlé de Dieu et de sa capacité à faire des miracles, comme celui de faire repousser mon utérus ! J'ai rigolé et je lui dis que si demain il me faisait repousser toutes mes dents, mon utérus et mes ovaires disparus sans laisser de traces ni d'explications, je croirais en ses miracles et je prendrais le micro pour aller le raconter à tout le monde. Mais, à mon avis, ce n'est pas dans ce monde-ci que ça sera possible. Ce genre de miracle, je veux bien y croire si je me réveille soudainement dix ans en arrière ou dix ans plus tard, dans une autre dimension éventuellement, mais dans celle-ci et sur cette terre ? Non, malheureusement, il semble évident que ce n'est pas possible.
Peut-être que certains vont me dire qu'à Lourdes, il y a eu de vrais miracles. Effectivement, il semblerait que certaines maladies ont guéri spontanément. Elles ont disparu, comme ça, comme mes ovaires ! mais à ce que je sache, depuis la création de la Bible, personne n'a vu de miracle qui fait repousser des organes sur demande. Même Jésus n'a pas fait ça dans la Bible. Quoi ? Qui c'est qui a dit que je venais de lancer un défi à Dieu ? C'était intentionnel. Mais je ne pense pas qu'il va le relever, il serait un peu trop coincé entre les croyances qui doivent rester apparentes et qui peuvent être visibles, celles qui ne peuvent pas être visibles, mais qui peuvent apparaître de temps en temps et celles qui ne doivent jamais apparaître, même si visiblement on peut croire qu'un jour ça sera visible.
Il est plutôt compliqué le bon Dieu, hein ? Après, on dit des humains… Je dis ça, je ne dis rien. Ah ! Je viens d'avoir un écho de ma petite voix intérieure qui me dit « je suis complexe, pas compliqué.e ». Compliqué.e « é-e », parce que si Dieu a un sexe, je ne vois pas pourquoi il devrait être forcément masculin. La logique fait qu'il est censé être neutre, donc on met deux œufs ou on ne met rien. En revanche, une chose est sûre, s'il a été appelé « dieu », c'est qu'il a des yeux : d-ieu, d-yeux. Donc, de ce côté-là, c'est correct : on doit être à son image, puisque nous aussi, nous avons des yeux pour voir ce qu'on pense. Si on considère que les yeux sont une extension de la conscience. Mais si nous on en a deux, lui, il doit en avoir dix, parce que : dix-yeux, di-ieu. Vous comprenez le « truc » ? Il ne faut pas oublier qu'avant l'apparition de l'écriture — qui fut l'un des premiers grands miracles de l'humanité, les gens ne faisaient que parler, du moins, ils vocalisaient, ils sortaient des sons. Tu avais la tribu des Hébreux d'un côté qui parlaient seulement avec des consonnes. Je ne sais pas comment ils faisaient pour se comprendre : ggg, kkk, sss, rrr, bbb, pppfff, ppfff. Et pis, tu avais la tribu des Indiens de l'autre côté, qui eux, ne parlaient qu'avec des voyelles : a oo ii uu e, oouou iii ao ! Et un jour, il y en a deux qui sont tombés amoureux et leurs langues se mélangèrent et ils eurent de nombreuses petites langues. Ah ah ah ! Là, ils ont dû se dire qu'il fallait trouver un mot pour résumer le pouvoir de la baise-majesté. Je parle du baiser royal, hein, celui qui délie les langues, le genre de baiser qui a un super pouvoir, comme celui de créer l'existence : au commencement était le verbe, faut pas oublier ça. Autre hypothèse, le mot « Dieu », c'est juste la description physique de son apparence : Mr Dix yeux, bonjour. Je dois réfléchir. Alors, pour comprendre un mot, faut penser que nos lettres de l'alphabet, avant d'être française, elles étaient latines, et encore avant grec et encore avant, au tout début, hébraïques. Oui, oui, je ne vais pas remonter comme ça jusqu'au cunéiforme, hein. Ça aussi, où ils ont été chercher ce mot : un cul qui est né dans la forme. Tant qu'à faire… Enfin bref… Alors, dans le mot Dieu, si on enlève les voyelles, il reste le D et le i. En hébreu le i est une consonne, c'est Dieu en personne, ils l'appellent Yod. Yod comme maitre Yoda, oui, pis un jour, c'est devenu du yoga de l'esprit tellement il faut se contorsionner les neurones pour y voir clair. Donc D en Hébreux, ça veut dire « dalet » et « dalet » c'est la porte + le i pour le Yod qui veut dire Dieu + les voyelles qui n'existaient pas au commencement. Mais stop, je vais encore trop loin. C'est mon défaut, je me disperse. Il paraît que ça s'appelle « arboresence ». Wouai, je fonctionne comme ça, mes pensées elles filent comme les branches d'un arbre, il y en a des grosses, des moins grosses, des plus petites, des très fines, des avec feuilles, des sans feuilles, mais qu'elles soient petites ou grosses, elles sont toutes reliées. En fait, je suis partout avec moi-même. Eh ! Je suis dans une branche et dans l'autre en même temps. Je suis même dans toutes les branches cérébrales de ma tête en même temps : branche frontale pour penser tout de front ; branche occipitale pour voir ce qu'il se passe ; branche pariétale pour bien se comporter. Pariéral… Hum… Je me demande si le mot « pari » pourrait venir de là ? C'est un pari que de bien se comporter, sinon, on se prend des murs. Du latin tardif paerietalis, le mot parietal, c'est comme la muraille de Chine, c'est quasi impossible à traverser. Mais tout est possible en même temps. De toute façon, si on n'y arrive pas, on reste coincé dans notre boite crânienne comme Platon dans sa caverne et on a plus qu'à se chercher un Socrate pour lui expliquer la théorie des ombres et des lumières de la conscience humaine.
Oh purée, je crois que je pourrais aller loin comme ça. Je me vois déjà en train d'escalader les parois de ma conscience pour essayer de changer de niveau et de viser un éclairage un peu plus lumineux en intelligence. Oui, il m'en manque un peu quand même, sinon la muraille, je l'aurais traversée comme ça, genre comme un fantôme. Et vous pensez qu'on peut être fantôme avec soi-même ? Je me demande si l'on s'auto-fantôme parfois… Genre quand une partie de soi est morte, dans son mental et bien ça fait comme un membre fantôme, tu as les pensées spectrales qui viennent te hanter, encore et encore. Bouhouuu, pensées à la con : « Peur ! Angoisse ! Terreur ! Tristesse et désespoirs ! Bouhouhouhouh ! C'est donc à nous de gérer nos fantômes, quoi. Il n'y a pas assez de ceux des autres ; il faut aussi qu'on s'occupe des nôtres !
Bref, il faut quand même que je vous explique que je suis omniprésente en mon esprit, que dans ma tête, mon imagination, c'est comme le grand créateur, elle est la créatrice de mes pensées. Un peu à l'image de Grand Constructeur de l'Univers. Moi, je me suis, mais s'il y en a qui perdent le fil, c'est plus compliqué pour tout comprendre.

Entre nous, e but n'est pas forcément de comprendre tout ce que je dis. Tant que ça fait rire, c'est l'essentiel. Est-ce que ça fait rire ? En tout cas, la mama africaine rigolait tellement qu'elle s'est laissé glisser comme une équerre contre l'abri de bus. Je vous jure, elle avait une souplesse incroyable, moi j'aurais déjà pleuré que j'avais mal aux genoux ou aux chevilles, mais elle, non, elle ne se rendait même compte qu'elle te faisait des exercices d'assouplissement, comme ça juste en rigolant. Et tout ça grâce à moi, eh ! Eh eh ! Pendant une petite heure, je suis devenue un genre de catch de l'humour sportif, je ne m'en suis même pas rendu compte moi-même.
Une blague, qui n'en était pourtant pas une du tout au départ et vlà que la mama elle te faisait du squatt, comme ça, assis-debout, assis-debout, mains croisées sur la poitrine, on inspire, on éclate de rire et on recommence : rigolez, plissez des yeux, écarquillez les joues, pliez du genou ! Expirez, éclatez de rire, en bas, en haut, et on contracte les abdos en glissant contre la paroi du bus ! Un, deux, un deux riez, inspirez.
Cinq minutes de plus, et elle pouvait presque danser la polka la mamie : tin lin linlinlinlin -lin lin lin -linlinlinlinlin- lin – tinlinlinlinlinlinlinlin – lin – tinlinlinlinlin lin ! Quand son bus est arrivé, elle est montée dedans, toujours en rigolant, et en me remerciant pour ce moment (j'ai comme un écho hollandais là). Elle m'a dit : "Écrivez un livre sur le fou rire". Ah ah ! Moi, écrire un livre sur le fou rire. J'ai déjà du mal à rire, elle me demande d'écrire un livre sur le fou rire. En tout cas, si moi j'ai dû mal à rire, ce que je lui raconte la fait rire et pas qu'un peu, elle est arrivée avec un coup de vieux, elle est repartie rajeunie avec des abdos, des mollets en béton et des poumons gonflés à bloc, sans parler de sa dose hormonale qui lui a donné du punch pour quelque temps, ocytocine, dopamine. Avec un bon fou rire, pas besoin de dope hein, tu la fabriques tout seul, il suffit juste d'avoir un fou rire. Mais comme c'est difficile de fou rire tout seul, faut trouver quelqu'un capable de nous faire rire. Pas seulement cinq seconde comme ça, histoire de dire que c'était marrant et on oublie tout. Que nenni, un vrai fou rire, ça doit durer au moins une demi-heure ou peut-être une heure. Ayez j'entends déjà les réflexions "c'est pas la quantité qui compte, mais la qualité !" Oui c'est vrai ! Un super fou rire de dix minutes peut aussi être le bienvenu, mais si le rire est bon et qu'il tient dans la durée, alors on ne va pas cracher sur la soupe, hein !
Mais attention, ce qui est important quand même, c'est que le fou rire ne rende pas fou pour de bon. Ben oui, pourquoi on appelle fou rire un fou rire ! Un rire simple, ce n'était pas suffisant ? Non, pas pour expliquer que rire, jusqu'à ne plus penser une miette de négatif, rire jusqu'à ce que cela en devienne une séance de "sport de l'humour", c'est le rire suprême, celui justement qui protège de la folie. On aurait pu l'appeler "para-rire". Pas dans le sens parachute du rire pour éviter une chute douloureuse. Euh… Tout compte fait , après réflexion instantanée, si, si (pas l'impératrice, hein), tout bon rire doit avoir son parachute, parce que normalement, une bonne blague qui fait rire ne doit jamais causer de bleu à l'âme ni d'hématome au cœur et ni même de plaies au corps. Pra rire, pour rire, ça doit être pour de vrai, toujours et jamais pour de faux. Oui, il y en a qui font des blagues qui font du mal. Malheureusement oui. Il y en a "pour rire" qui mettent des pétards dans l'anus d'un chat pour le voir courir en rond avec des étincelles au derrière. Ça les fait rire au point qu'ils se moquent que ce petit être capable de tant d'amour souffre de leur humour de fou : c'est quand le rire provient de la folie. Il y a des gens qui disent qu'ils rigolent, mais qui ne rigolent pas. Il y a des gens qui disent qu'ils font de l » humour, mais ce n'est pas de l'humour. Parce que le véritable humour, c'est comme le véritable amour, ça ne fait pas de mal volontairement et c'est bienveillant. On peut rigoler de tout, à condition que l'humour reste un rempart contre la souffrance, tel un chevalier qui se bat contre le mal. L'humour est un bouclier de protection et non un glaive.
Bon, après cette petite larmette de remise en place : si un humoriste ne profite pas d'un spectacle sur l'humour pour rappeler que l'humour ne fait jamais de mal, ce serait perdre une occasion en or de tenter de remettre les choses à leur place. Je dois quand même vous raconter comment cette histoire de fou rire du samedi matin a commencé.
Parce que là, avec vos conneries, je viens de louper l'intro !
Quand je dis conneries, ce n'est pas péjoratif, hein ? Après tout, on est tous sortis d'un con et on possède tous, au moins à moitié, des gènes de con, mais oui, oui, rien ne nous interdit de nous améliorer et d'essayer d'atteindre la perfection de notre connerie, versus « divine » tant qu'à faire…
Alors, pour reprendre l'histoire depuis le début, tout a commencé quand j'ai perdu mes lunettes.
Mouais, j'ai eu l'impression de me sentir comme une petite vieille qui avait oublié des trucs et qui ne savait plus où elle avait rangé ses clés. Pour info, ce n'est pas ça, même si de loin on pourrait y croire. Je mets toujours mes lunettes accrochées à un cordon, autour de mon cou — de cette manière, elles peuvent me promener toute la journée ! Je plaisante ! Si je les garde autour de mon cou, c'est pour justement ne jamais les perdre.
Quoi ? Un lapsus ? Comment ça un lapsus révélateur de ma peur inconsciente de perdre mes lunettes, antérieur à la perte des lunettes du samedi matin ?
Nan, nan, nan, nan, nan !
Moi, je suis du genre à ne pas avoir envie de courir d'un étage à l'autre pour chercher mes lunettes si je veux lire quelque chose. Déjà, la lumière ne se trouve pas forcément à tous les étages. En plus, si je ne possède pas une paire dans chaque pièce et que j'ai envie ou besoin de lire quelque chose, c'est un problème. La meilleure solution consiste donc à porter constamment une paire sur soi. Il y en a qui pourrait me dire « mais pourquoi tu ne les laisses pas toujours sur ton nez ? Ah non, ce ne serait pas supportable. Si je devais les laisser 16 h sur 24 sur le nez, je finirais par avoir une ride supplémentaire en plein milieu du visage et mes oreilles finiraient par ressembler à celles de Jumbo l'éléphant.
Donc — je reprends, merci — après une enquête minutieuse : retour sur mes pas ; pression au téléphone sur le pharmacien pour qu'il aille voir à l'arrêt de bus si je ne les avais pas laissés sur le banc ; appel à toutes les unités de la TCAT, alerte sur la ligne 4, alerte sur la ligne 4, Madame Tournesol a perdu ses lunettes ! Veuillez interroger tous les chauffeurs de bus sur l'objet en question ! Et hourra ! Un chauffeur de la ligne 4 a retrouvé mes lunettes et les a gardées précieusement près de lui. Mais j'ai dû attendre qu'il finisse tout son grand tour pour arriver devant moi. Entre-temps, les autres bus 4 me sont passés devant comme pour me narguer. Moi qui voulais rentrer chez moi de bonne heure, j'allais rester coincée là presque trois heures de plus. Et tout ça parce que j'ai voulu changer de lunettes et mettre les belles bleues. Le problème avec les bleus, c'est que le cordon ne tient pas dessus, il glisse, donc je risque aussi de perdre mes lunettes et pire de les casser si elles tombent en glissant. Ben oui, les opticiens ne doivent pas réfléchir à tous les coups quand ils fabriquent des montures. Ils doivent croire que les gens n'utilisent plus de cordon. Je ne sais pas. En tout cas, ils ont conçu ces lunettes avec des branches tellement lisses que même une puce ou un pou pourrait faire du toboggan dessus.
Comme je n'étais pas la seule à l'arrêt de bus, j'ai raconté à qui voulait bien l'écouter que j'avais perdu mes lunettes. Un peu comme la mère Michelle qui crie par la fenêtre qu'elle a perdu son chat : j'ai perdu mes lunettes ! J'ai perdu mes lunettes. Sauf que là, c'est la mère Tournesol qu'a perdue ses binettes. Comment je vais jouer au professeur sans ces lunettes ? Eh eh ! Vous avez compris la référence avec le professeur Tournesol dans Tintin. Ben oui, ce n'est pas la fleur qui a perdu sa pétale ! Enfin, bref !
Donc, voilà qu'arrive la mamma africaine qui me dit en souriant que j'ai retrouvé mes yeux, quand j'annonce avoir retrouvé mes lunettes.
J'ai bien aimé son expression « vous avez retrouvé vos yeux ». J'ai vu tout de suite la philosophie qu'on pouvait en tirer. Les yeux, c'est la vision, la connaissance, la perception, la conscience aussi. Et puis, je ne sais plus comment on en est arrivé là, mais elle m'a dit quelque chose du genre qu'avec mes beaux yeux, je ne devais pas avoir de mal à trouver un mari. Qu'est-ce qu'elle n'avait pas dit là ? C'est le genre de sujet qu'il vaut mieux éviter avec moi. Mari ou chéri, c'est pareil = deux fois plus de travail à la maison = risque de souffrances psychologique = somatisation émotionnelle. La somatisation émotionnelle n'en est pas moins réelle. Faites le tour de toutes les femmes qui ont eu des fibromes ou des cancers de l'utérus, vous constaterez vite qu'elles ont toutes subi au moins une fois dans sa vie une violence sexuelle. Et pis avec la théorie de l'évolution de la femme, leur biologie interne a commencé à se révolter parce qu'elles, elles ne se révoltaient pas suffisamment. Et c'est comme ça que l'endométriose est arrivée, sans se presser, parce que ça prend au moins dix ans pour se rendre compte qu'elle s'est installée, tellement elle avance sans faire de bruit. C'est quoi dans la métaphore l'endométriose ? C'est le corps qui se fabrique une nouvelle peau de l'intérieur. Je vous explique. Chaque mois, la femme a son endomètre qui se fabrique tel un nid pour accueillir son ovule, comme un œuf avec pour objectif de créer la vie. Si l'œuf n'est pas fécondé par le coq, ben la coquille va se briser et finir en omelette dans la cuvette des toilettes ! C'est ça qu'on appelle « les règles ». Quand on a nos règles, on perd une mesure… Hum, va falloir réfléchir sur ce sujet aussi, mais une autre fois.
L'endométriose, c'est quand l'endomètre reste dans le bidon, au moins en partie. Il s'accroche, comme si un instinct de survie le poussait à donner plus de poids au corps dans lequel il se trouve. Et pour mieux s'accrocher, il s'enracine, depuis la matrice, l'utérus. Il traverse tout et s'accroche à tout ce qu'il trouve, les intestins, la vessie, le rectum, et même les poumons et jusque dans les yeux dans les cas les plus graves. Autrement dit, notre conscience s'efforce de préserver le navire, qui est le véhicule de notre identité en créant un corps dans notre corps. C'est le fameux bateau de Thésée. Voilà les gars, vous avez gagné, la femme a commencé sa mutation. L'endométriose est un signal fort que vous n'avez pas compris. Mais rassurez-vous, étant donné qu'au niveau mutation, il nous manque encore au moins un millénaire pour effectuer une telle métamorphose, on ne pas pouvoir changer de corps, comme ça, sur un claquement de doigts.
La mama africaine me demande alors si j'ai encore mon utérus. Je lui réponds par la négative et je lui explique que, si je savais qu'on me l'a retiré il y a 12 ans avec le col, mais qu'un examen récent a révélé que mes ovaires avaient disparu alors qu'on n'est pas censé me les avoir retirés…
Entendre cela vous laisse dans un état de confusion. C'est comme un flou. Soudainement, on ne sait plus quoi penser. Toutes les théories frappent à la porte : on me les a retirés sans rien me dire parce qu'on voulait que je vieillisse plus vite que la norme ? Ou alors, ils sont peut-être cachés par une masse comme l'a suspecté le gynécologue ? Un cancer des ovaires ? Non, je n'ai rien ! Alors quoi ? J'ai subi une abduction ? Des extraterrestres m'ont enlevée et ont piqué mes ovaires pour se faire un repas culinaire, genre « des rognons de femelle humaine » ?
Ils ont pu utiliser mes ovules pour expérimenter la création d'hybrides mi-humain mi… euh, je n'ai pas vraiment envie de décrire ce que cela pourrait être. Si c'est à la manière de l'Antiquité, avec des créatures à moitié humaines et à moitié animales, cela me semble acceptable, mais si c'est mi-alien, ce n'est pas trop mon truc. Bref, là, j'en rajoute à ce que j'ai dit à la dame africaine. Avec elle, je n'ai pas parlé des aliens. Je rigole !
C'est à ce moment-là que la mama africaine m'a assuré que, si je mettais ma foi en Jésus, mon utérus me serait rendu. J'ai rétorqué que, s'il me faisait repousser toutes mes dents, mes ovaires et mon utérus, je monterais sur scène, je prendrais le micro et je proclamerais à tout le monde que je suis une miraculée. Et là, vous êtes en train de vous demander si je vais vous annoncer un miracle. Eh bien, non ! La scène est une feuille de format A4 et le micro est ma pensée qui fait mouvoir mes doigts sur le clavier. Il n'y a pas eu de miracle. Je ne sais toujours pas où sont mes ovaires, il me manque toujours autant de dents et je n'ai toujours pas retrouvé mon utérus, ce qui n'empêche pas la douleur du membre fantôme de revenir tous les mois. J'ai mal comme si j'avais mes règles, mais je n'ai plus de règles. C'est assez absurde, vous ne trouvez pas ?
C'est alors que la mama africaine a éclaté de rire et n'a pas pu s'arrêter. J'ai commencé à me dire que, dans un univers alternatif ou sur une planète lointaine, cela pourrait se produire. Selon les croyances, Dieu est un extraterrestre, car il vit dans un monde qui n'est pas le nôtre, mais il a la faculté de se déplacer entre notre planète et l'étendue infinie de l'univers, en traversant des galaxies et en passant d'une galaxie à une autre. Et wouai ! Le Bon Dieu est un jumper qui passe du passé au futur par l'entremise du présent. Il doit bien s'amuser lui. C'est le « Tournez manège du paradis ». Sur Terre, on a le « Jacques a dit » ; mais au ciel, c'est « par a dis : Dieu va dans l'imparfait changer le conditionnel pour impacter le futur antérieur et créer un plus-que-parfait d'un futur simplifié, STP ! » Je le vois bien voyager à travers tous les temps de la conjugaison du verbe « être ». Avec ses pouvoirs infinis, il peut se rendre dans le passé composé ou le futur composé. Ah ah ! Le futur composé ! Quelle prouesse ! Pourquoi n'existerait-il pas également une forme du futur appelée « futur composé », étant donné qu'on utilise déjà le « passé composé » ? Je croyais que tout avait son contraire ? Si nous pouvons raconter le passé, ne devrions-nous pas pouvoir raconter le futur ? On m'a dit que le passé composé indique qu'il est terminé. On l'a donc posé là et on lui a dit : « Toi, tu restes là et tu ne bouges plus ! » Hum, ben… Selon moi, tout dépend du futur antérieur. Grâce aux avancées dans la traduction et au retour de certaines vérités enfouies, il est inévitable que nous devions réexaminer un grand nombre de traductions. Certains seront surpris de constater que leurs interprétations ne correspondent pas à la réalité. Par exemple, le mot « fou » en hébreu ancien est transcrit par « nbl » pour « nabal ». Ce terme était utilisé pour désigner la folie morale ou spirituelle et il était appliqué à ceux qui dédaignaient la sagesse. Par un tour de passe-passe linguistique, « nbl » est maintenant synonyme de « noble ». C'est assez surprenant, n'est-ce pas ? Personnellement, je vois l'avenir comme une série d'événements futurs, où certains sont variables et d'autres sont immuables. Il faut ajouter à cela les notions existantes dans notre ère intelligible, telles que le futur 1 et le futur 2, communément appelés « futur proche » et « futur lointain » (ce dernier étant également connu sous le nom de « futur simple »), ainsi que le « futur antérieur ». Ce dernier concept évoque l'idée de la certitude qu'un événement se produira avant un autre. Serait-ce le temps de la prophétie ? En réalité, on peut dire que Dieu est un véritable génie de la science-fiction. Il captive tellement de gens qu'il semble presque irréel. Il fait de l'effet et il est assez spécial quand même, puisqu'il crée des effets spéciaux, y compris spatiaux, compte tenu de la rapidité avec laquelle nous nous déplaçons dans l'espace. On n'en est pas conscients, mais c'est tout de même des milliers de kilomètres par heure !
Les concepteurs du tableau de conjugaison semblent croire qu'ils ont découvert toutes les subtilités et qu'il n'y a rien d'autre à y ajouter ou à y expliquer davantage. En fait, les courants grammaticaux sont similaires aux courants religieux, si vous ajoutez ou enlevez quelque chose, vous risquez d'encourir la colère divine et l'excommunication éternelle ! Pourtant, quand eux ont décidé que le masculin devait toujours l'emporter sur le féminin, cela ne les a pas gênés de modifier l'ordre de l'égalité ! Le diviseur a gagné son pari : il a stigmatisé les femmes en les clouant sous les péchés des hommes et en créant le temps de l'imparfait, il a empêché l'émergence d'un temps parfait. Quoi ? Le plus-que-parfait ? Laissez-moi rire… Plus que parfait, ça veut dire que c'est encore mieux que la perfection. Comment c'est possible ça ? Le parfait c'est ce qui est sans défaut tellement c'est excellent. Donc qu'on m'explique comment ils ont pu inventer un temps « plus que parfait », qui s'il avait été si parfait que ça aurait donné un futur de rêve où tout est beau, tout est rose ! Haaan ! Ok, c'est le temps où on peut tout changer. Celui où on dit « si j'avais su, j'aurais fait ». Le plus que parfait doit résider dans la possibilité de perfectionner le passé, en théorie humainement et peut-être en pratique pour celui qui est beaucoup plus grand et plus vieux que l'humanité.
La plupart des gens pense tellement que la perfection est impossible qu'elle n'a pratiquement aucune chance de se réaliser. On a seulement le droit de croire que la perfection existe, c'est tout. Pourtant, créer le temps du parfait permettrait aux gens de retrouver l'espoir d'un monde meilleur en se donnant le droit de conjuguer leurs rêves au meilleur des temps. Parce que si on parvenait à établir un moment idéal, cela restaurerait la confiance en un avenir plus brillant et ranimerait l'espoir d'un monde meilleur.
Clap-Clap-Clap

