83- Le Job de Satan (2)

09/11/2025

Le mal agit en trois étapes : 

1) Il frappe

2) Il crée une interprétation fausse de ce qui arrive.

3) Il pousse la victime à intérioriser la culpabilité ou la honte.


La structure du mal

1. L'idéologie de Satan : la confusion morale 

Satan ne détruit pas en frappant, mais en faisant croire que le coup vient de Dieu.

Comme le loup peut se déguiser en agneau, le mal peut se déguiser en bien. Apparait alors dans notre réalité une double autorité : celle qui ordonne et celle qui prétend aimer.

Le mal exige la confusion morale pour exister. Pourquoi Satan cherche-t-il à briser l'alliance entre l'humanité et la part divine qui habite chaque être humain ?

Ce qui a parlé en début du livre de Job n'est pas Dieu, mais une idée de Dieu que Satan met en scène. 

Autrement dit : Satan ne veut pas détruire Job, il veut détruire l'image que Job a de Dieu.  Et c'est précisément ce que vivent les victimes de violences psychiques. Ce n'est pas seulement la personne qui est attaquée, c'est son rapport au sens, au vrai, au vivant.

La souffrance est l'outil du mal qui cherche à corrompre l'image du Bien.

Le mal ne cherche pas à s'attaquer à la chair, il s'attaque à l'interprétation que la personne fait de ce qu'elle vit. Dès qu'il confisque le sens, l'individu n'est plus maitre de lui-même. En faisant croire que "Dieu" est injuste, cruel et indifférent., le mal veut faire douter l'âme de l'amour. Si l'âme croit que Dieu l'a abandonnée, humiliée, sacrifiée, alors : elle renonce à la confiance, elle se replie, elle se dessèche et elle se brise de l'intérieur.

L'inversion du sens est au cœur du mécanisme du mal. Le "job" de Satan est de casser l'alliance entre l'humain et le vivant. La violence n'est qu'un prétexte. Sa stratégie n'est pas dans la souffrance qu'il provoque, mais dans la justification qu'il lui donne. Faire croire que la douleur est méritée est le sommet de l'emprise. C'est pourquoi ce qui rend la souffrance insupportable est plus que la douleur elle-même, mais l'interdiction d'en contester la légitimité.

2. La stratégie de l'emprise

L'emprise ne s'installe jamais par la brutalité immédiate, mais par une progression douce, familière, presque tendre. Le mal commence toujours par se faire passer pour un allié.  

Dans le livre de Job, Satan ne s'attaque pas directement à Job pour le blesser. Il propose à Dieu de le « tester » en voulant « troubler l'évidence du lien ». Le mal commence donc à semer le doute sur la bonté, en tentant de prouver que l'amour humain est égoïste et donc qu'il n'existe pas. il cherche à rompre l'évidence intérieur du lien, car si l'amour n'existe pas, alors plus rien n'a de valeur et l'être devient disponible à l'emprise. Il ne veut pas la souffrance du corps, mais la ruine de la relation à soi, aux autres et au sacré, quitte pour cela à passer par la souffrance du corps… 

On ne détruit pas l'autre en le frappant. 

On le détruit en lui faisant douter de sa propre perception. 

C'est ce travail d'usure identitaire qui constitue la véritable violence.


Le mécanisme de Satan : la destruction de la confiance

Il y a un glissement psychologique dans les violences humaines. En faisant souffrir la victime et en lui faisant croire que cette souffrance vient de quelqu'un qui l'aime, le coupable invalide la réalité et brouille les repères. C'est exactement le principe de l'emprise, du pervers narcissique, du fanatisme religieux.

"Le sommet de la cruauté, ce n'est pas de faire souffrir : c'est de faire croire que la souffrance est juste, méritée ou envoyée par l'amour." C'est du sadisme. C'est pour cela que la violence psychique la plus aboutie consiste à faire en sorte que la victime se reproche elle-même ce qu'on lui a fait subir.

Dans un sens global, la plupart des croyants pensent que Satan demande la permission à Dieu de faire souffrir Job et donc que la souffrance infligée à Job lui a été infligée avec son accord. Soit cela devient du crime organisé et dans ce cas Dieu est complice du mal soit le concept d'emprise tel que nous le connaissons montre qu'il n'est pas seulement un pouvoir exercé sur l'autre, mais une fabrication de la réalité. Cette emprise impose alors à la victime d'interpréter la violence comme si elle était logique, méritée ou même aimante.

La culpabilité est l'instrument privilégié du mal. Elle remplace la liberté intérieure par l'obligation de se juger soi-même. Et quand quelqu'un commence à s'excuser d'exister, l'emprise est déjà avancée. 

3. Ce que le témoignage de la victime (Job) révèle

Pour contrôler quelqu'un, il ne suffit pas de l'atteindre : il faut aussi lui retirer ses témoins, ses repères, ses amitiés. L'isolement n'est pas un accident, c'est une stratégie. L'agresseur ne cherche pas seulement à affaiblir la personne : il cherche à devenir l'unique source de sens.

Résister, dans ces situations ne ressemble pas à se révolter. C'est conserver quelque part en soi, une minuscule étincelle qui ne se laisse pas expliquer par l'autre. Toute la dignité humaine tient parfois dans un souffle : la fidélité à un fragment de soi qu'on refuse de livrer. La part de nous qui survit n'est pas celle qui lutte bruyamment, mais celle qui se tait et se souvient de ce qui est vrai.

Mais le mal échoue dès que la victime refuse de se trahir elle-même.

Job souffre. Job se révolte. Job ne pardonne pas au nom de la soumission. Job refuse de dire que le mal est bien. Et c'est cela qui libère. A la fin, Dieu ne justifie rien. Il reconnait en Job un être devenu conscient. Satan voulait que Job renonce à sa dignité intérieure. C'est précisément ce que Job a protégé et c'est là que réside sa sainteté.

La reconstruction

il ne s'agit pas de redevenir comme avant. Il s'agit de devenir quelqu'un qui sait. Quelqu'un qui a vu, qui a traversé, qui a compris et qui ne se laisse plus confisquer son propre sens. la guérison commence lorsque l'on prononce : "J'ai le droit d'exister hors de ton récit" (celui du mal).

Ce savoir n'est pas intellectuel. C'est un savoir du corps, un savoir du souffle, un savoir de la présence.

La clarification du Divin

Le mal ne triomphe jamais par la souffrance. Il triomphe seulement lorsque la victime dit "c'est normal".

Job est celui qui refuse de nommer le mal autrement que mal et c'est ainsi qu'il sauve son âme.

Il est très important, très nécessaire et très juste d'ôter au mal sa légitimité sacré. C'est une œuvre de clarté et la clarté est toujours un acte d'amour spirituel. La clarté ne combat pas. Elle révèle. Et ce qui est révélé cesse de régner.

L'emprise s'exerce en assénant des coups, en distillant des interprétations erronées et en incitant à l'autoflagellation. Mais l'épreuve a également le pouvoir de mettre en évidence nos forces. La prise de conscience devient alors un instrument de libération : comprendre les mécanismes qui nous influencent et reprendre le contrôle de notre existence. La souffrance peut se muer en connaissance, en liberté et en catalyseur de croissance.