25- Le serpent de la religion
Primus in orbe deos fecit timor
Au commencement, la peur créa les dieux
— « C’est le serpent qui a fait pécher Eve », dit le prêcheur d’évangile à la jeune fille.
Elle venait de lui confier sa connaissance d’une manipulation humaine sur autrui dans le cadre d’une thèse en démonologie, afin d’étudier les croyances des gens envers les esprits. Elle lui parla de l’hologramme d’un serpent, reproduisant l’effet miroir d’une confidence passée sur sa peur des petits serpents, combattue en affrontant sa peur directement avec un grand serpent. Elle lui parla d’autres maux cruaux.
— « C’est sûrement parce que vous avez porté le serpent sur vous, car il est le diable ! » Dit-il, tête baissée dans sa réflexion et perturbé par ce qu’il venait d’entendre.
Encore une fois, le féminin descendant de la lignée vitale était encore désigné coupable, malgré qu’il venait pourtant de reconnaitre que ce qu’elle avait subi était du sadisme, mot qu’elle-même n’aurait pas pensé jusqu’à là pour expliquer ce qu’elle avait vécu. Mais elle eut le réflexe de répliquer, car elle ne pouvait pas laisser passer une telle ineptie.
— « Et le bâton de Moïse alors ? Vous croyiez que c’était le diable ? Pourtant, il s’est transformé en serpent, non ? »
Le prêcheur la regarde, un doigt sur les lèvres, s’empêchant de parler pour l’écouter, ne pouvant dire que c’était faux ni que c’était vrai. Son regard semblait avoir, en un trait, changé sa perception sur un animal qu’il pensait 100 % diabolique.
— « Et le caducée médical ? Le serpent peut tuer avec son venin, mais il peut aussi être l’antivirus ! Le serpent dont vous parlez dans la genèse, c’est le sexe de l’homme ! Adam est l’ADN, le commencement de la chaine et Eve est la vie et à eux deux, ils ont fait l’humanité. »
— « Mais la Bible dit pourtant que… »
— « La bible ne se lit pas que dans un sens. À ce sujet, ce sont les juifs qui ont raison, il y a plusieurs grilles de lecture et pas seulement une à prendre au pied de la lettre dans un sens littéral. Il y a des paraboles. Jésus lui-même parlait en parabole. »
— « Oui… »
— « L’histoire de la circoncision ne disait pas qu’il fallait se couper le sexe dans le sens littéral. C’était une parabole pour expliquer qu’il fallait se contrôler et ne pas être esclave de ses pulsions, ne pas violer, coucher sans retenu, l’infidélité, etc. Ça dit de se couper le sexe plutôt que de devenir criminel, comme ça dit de s’ôter le cœur plutôt que de ne pas aimer. Ça ne veut pas dire qu’il faut couper son sexe ou le cœur, mais de ne rien faire si on n’est pas capable de se maitriser. Faire la circoncision de sa langue pour ne pas être vulgaire signifie se taire plutôt que de blesser avec une langue acérée. »
— « Mais dans la bible, ça dit bien qu’i s’agit de la chair quand même ! »
— « Mais de quelle chair tu parles ? Dans les églises aussi, il y a la chaire qui parle de l’assise et du lieu ! » La chaire est une nourriture, mais aussi une tribune. Elle est un siège ! Prends le mot d’aujourd’hui et cherche sa traduction en latin, en grec, en arabe, en hébreux, en arménien, et tu verras qu’il y a des traductions moins radicales ».
Il se rappela ce qu’un peu plus tôt elle lui avait dit lorsqu’il l’avait abordé pour prêcher l’évangile. Ils avaient marché quelques pas ensemble. Elle lui avait d’abord demandé si ce qu’il faisait n’était pas du prosélytisme, puis s’était lancé dans un discours philosophique sur le fait que chacun était Pierre et que l’église à bâtir était en chacun de soi, sur soi, sous soi et autour de soi. Elle expliqua qu’accepter l’esprit sain en soi, c’était de chercher à s’en approcher au plus près, qu’elle croyait en la religion, mais pas aux dogmes des religieux qui te menacent avec leurs yeux de toutes les pénitences si tu ne récites pas dix avés pater, trois Marie, si tu ne fais pas 5 prières par jour à tel moment ou si tu ne caches pas tes cheveux. Elle disait que la religion est celle de l’univers, celle qui unis-vers l’au-delà et ailleurs, tout autour, dessus, dessous, à l’intérieur et pas celle des religieux qui ne les relie qu’entre eux. La religion, du latin religiare, relie les êtres entre eux, en les unissant vers (unis vers) l'horizontal sur terre et la vertical, vers le ciel. Elle relie aussi l'homme vers la femme, elle l'unit vers celle...
Il lui proposa de lui offrir une prière. Elle accepta, mais lui demanda de la faire lorsqu’il serait seul, car pour elle, il n’était pas nécessaire de prier dans la rue devant tout le monde. En effet, une prière est quelque chose de personnel, à faire dans sa chair (= dans sa cathédrale, dans sa tête) et si toute aide était la bienvenue, même avec les ondes positives d’une bonne prière, elle n’était pas à une heure près. Ils se dirent au revoir et elle monta dans le bus qui venait d’arriver.
Elle repensa alors à la conversation qu’elle venait d’avoir avec le prêcheur de bonnes paroles et réalisa elle aussi que le sexe de l’homme n’est pas qu’un diable qui fait du mal en tuant des millions de femmes de l’intérieur (à cause de toutes les relations sexuelles imposées par la force, à cause de tous les viols). Il apporte aussi la vie, pas seulement en mettant les poissons dans la mer (parabole spermatozoïdes dans la future mère), mais aussi par un acte de chair qui unit vers elle deux êtres humains en alliance spirituelle et corporelle, dans l’espace-temps d’un moment où l’amour peut réparer de nombreuses blessures.
Dans la continuité de ce passage en religion, elle entendit un homme dire à une dame de se couvrir du sang de Jésus pour se baptiser. Le genre d’arguments avec lesquels elle a quelques difficultés. Ça semble assez macabre comme métaphore et ça rappelle le film Carrie de Stephen King donc non merci !
La jeune fille reconnut le monsieur avec qui elle avait échangé quelques mots à un autre arrêt de bus. Il lui avait confié être en phase terminale d’un cancer et qu’il n’y avait plus rien à faire, que les médecins arrêtaient tous les traitements, les perfusions, les cachets, tout. Puis, il lui avait raconté que ce qu’il retenait dans la vie, c’est que même si on était en dépression, il fallait avoir une passion. Elle l’avait alors interrompu, car elle se rappelait les mots d’un enseignant l’ayant informé que la passion était égale à la souffrance, en faisant un lien avec le film « la passion du Christ ». Elle avait alors cru comprendre qu’être passionnée était mal et qu’avoir des passions signifiait vouloir souffrir, ce qu’elle ne voulait pas, ayant déjà suffisamment souffert dans sa vie. Mais le monsieur lui a raconté un souvenir d’un de ses professeurs qui disait qu’il valait mieux avoir des crampons sous les pieds que (je ne suis plus sûre de la phrase suivante) que de se sentir mal ou que de faire du mal. Il lui expliqua alors que le foot lui avait sauvé la vie. Wouah…
Elle qui avait détesté le foot si longtemps à cause de son univers machiste où les hommes imposent sans discussion leurs matchs et leurs fêtes sans aucune tolérance pour ceux qui ne sont pas pour ; elle qui ne comprenait pas comment on pouvait aimer courir derrière un ballon ; elle réalisait maintenant que le foot était un sport collectif qui pouvait sauver la vie d’une personne, en lui apportant un travail d’équipe que le joueur n’a peut-être ni dans sa famille ni avec des amis, ni à l’école ni ailleurs. Le foot, ce n’est pas seulement prendre le ballon des autres, c’est aussi se le passer, pour que tout le monde puisse marquer. Se passionner pour un sport ne veut pas dire que la personne a envie de souffrir ou qu’elle va souffrir volontairement, même si elle risque d’avoir les muscles endoloris après un match, de se faire une tendinite ou une entorse.
Être passionné par un sport ou une activité, c’est ressentir l’émotion d’un attachement que l’on ne trouve pas ailleurs. Je me suis passionnée pour l’origine des mots, leur étymologie, pour trouver ce qui pouvait relier les gens entre eux malgré tout ce qui les divise. Je ne comprenais pas pourquoi les religions se détestaient tant entre elles alors qu’elles prônaient toutes l’amour et son unicité. Je voyais des religieux se disputer l’appartenance de message spirituel, de leur degré de reconnaissance, de leur acceptation sous condition. Maintenant, je fais bien la distinction entre LA religion et les religieux qui veulent chacun leur religion à eux, pleine de dogmes et de soumissions sectaires et radicales. Je pense que chacun de nous peut avoir un cœur de pierre, mais être la pierre sur laquelle peut se bâtir un esprit sain. Chacun de nous peut être le messager de Dieu en religion et si nous avons besoin du sang qui coule dans nos veines pour vivre et de l’eau qui nous compose pour devenir la glaise à façonner l’humanité qui est en nous, le baptême final, c’est d’avoir un esprit sain. C’est une autre vision de la trinité : le sang, l’eau et l’esprit. Ça ne veut pas dire qu’il faut sacrifier humains et/ou animaux, car la religion universelle n’aime pas les holocaustes et le ça qui crie des sacrifices. Ça ne veut pas dire non plus qu’il faut plonger une personne dans l’eau devant tout le monde. Ce n’est pas parce que l’on se conforme aux rituels des dogmes religieux pour un baptême que cela veut dire que l’on est baptisé. Ce n’est pas parce que tu crois que tu as reçu un baptême humain que cela signifie qu’aux yeux de Dieu tu es baptisé. Le baptisé a l’esprit sain et il est quelqu’un de bien.
Jean-Baptiste disait : « celui qui viendra après moi baptisera en esprit ». C’était la logique de l’évolution.
Mais si la personne a envie de prendre un bain pour se rafraichir l’esprit, alors pourquoi pas ! :-)
Amen ? :-)
Pour conclure, je dirais qu'on ne doit pas forcer quelqu'un à se baptiser selon des rites ancestraux s'il n'y adhère pas. On ne jette pas quelqu'un dans la piscine en se disant qu'il n'aura pas d'autre choix que de nager s'il veut survivre. Ces méthodes de Neandertal sont révolues.
Une personne m'a fait comprendre que certaines formations n'attendent pas l'autorisation d'un futur agent pour le former. On le balance dans la piscine. Le but est de ne pas se noyer. Certains métiers demandent des gens forts, qui savent se sortir de situations périlleuses.
Cette personne - qui est du corps médical - fit une comparaison avec les parents qui jetaient leurs enfants dans la rivière, "dans le temps" et que ça ne les avait pas tué.
Personnellement, j'ai reçu le baptême quelques jours ou semaines après ma naissance, et je n'en ai aucun souvenir et ce n'est pas ce baptême qui m'a appris quoi que ce soit si ce n'est peut-être, par la mémoire des quelques gouttes d'eau déposées sur mon front. J'ai failli me noyer deux fois jeune enfant dont une fois où j'ai été poussé volontairement et par surprise, par un adulte, qui n'a pas voulu respecter le fait que je voulais d'abord voir tout le monde le faire avant de le faire. Les deux fois, j'ai été sauvée in-extrémis après avoir bu quelques litres d'eau. Ces baptêmes forcés ne m'ont rien appris, même pas à nager. Pire, il ont provoqué chez moi un blocage qui m'a empêché à tout jamais de savoir nager sans avoir pieds.
J'ai eu peur de me noyer une troisième fois (ou la quatrième si on considère aussi celle de ma naissance), car je me sentais couler, alors que j'étais adulte, mais là, le baptême reçu fut plus réel que les précédents, parce je n'ai pas eu le temps d'avaler la tasse que des êtres marins m'ont porté secours. Cette fois-ci, je n'étais pas dans une piscine, mais dans un océan, mais j'ai été secourue avant d'avoir le temps de souffrir. Ces animaux marins - des dauphins - avaient plus de compréhensions sur le système émotionnel humain que tous les professeurs du monde que j'ai rencontré jusqu'à aujourd'hui. C'est pour moi une vérité : si un dauphin peut vous sauver avant que vous ne souffriez, il le fera. Nous les humains, on attend souvent qu'il soit trop tard pour dire stop ou pour aller aider quelqu'un.
Concernant les formations spéciales, même si les entrainements vérifient votre débrouillardise à se sortir de différents problèmes, le minimum est de prévenir les futurs agents "avant" que les épreuves risquent d'être difficiles physiquement et mentalement, afin qu'ils soient libre de refuser. La déontologie réclame que les épreuves puissent s'arrêter pas seulement si un psychiatre militaire le décide, mais si le soldat ou l'agent le demande. Sinon, ce n'est plus de l'entrainement ou une formation mais du lynchage par des pervers ou des sadiques qui profitent de leur statut pour s'amuser sous l'égide d'une raison officielle ou officieuse, un peu comme dans le bagne de Corse où des légionnaires furent torturés et tués. Aujourd'hui, les tortionnaires sont plus discrets. La torture est plus mentale que physique et laisse moins de traces et donc moins de preuves. Les tortionnaires agissent en bande, tel un serpent et se soutiendront dans l'épreuve de ne pas se faire prendre.
Les formations des agents spéciaux, des gendarmes, des soldats, des CRS peut-être aussi, des légionnaires forment des hommes à être fort de corps et d'esprit, mais il ne fait jamais oublier qu'ils sont des êtres humains avec des droits ni pour les formateurs, de préserver sa dignité et son humanité, en allant pas trop loin. Ils sont là pour apprendre, pour transmettre forces et valeurs et il y a tout à y gagner.