32- La racine de la Méduse

14/10/2023
Par Le Caravage — Die Erste Medusa / La première Medusa, ed. 5 Continent, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=42581807
Par Le Caravage — Die Erste Medusa / La première Medusa, ed. 5 Continent, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=42581807

En grec ancien, "mé" vient du verbe μέδω, médō  qui est utilisé pour  « prendre soin, commander, régner sur, protéger ». C'est de médō qu'est né le mot Méduse. Le même mot avec un "n" à la fin (μέδων, médôn) signifie "seigneur"...  Si on y ajoute le mot "dusa" (se traduit par "péché" en Bonggi), alors l'ordre serait de se protéger du péché autant que de prendre soin de la personne qui l'a subi, à moins qu'il ne parle du péché du seigneur qui a pétrifié de peur une jeune Mélusine qui par la force des choses est devenue si médusée qu'elle en portera le nom Médusa ou Méduse.

Par Jan Bielecki, Alexander K. Zaharoff, Nicole Y. Leung, Anders Garm, Todd H. Oakley (edited by Ruthven (d)) — Jan Bielecki; Alexander K. Zaharoff, Nicole Y. Leung, Anders Garm, Todd H. Oakley (June 2014). "Ocular and Extraocular Expression of Opsins in the Rhopalium of Tripedalia cystophora (Cnidaria: Cubozoa)". PLOS ONE 9 (6). DOI:10.1371/journal.pone.0098870., CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=35741131
Par Jan Bielecki, Alexander K. Zaharoff, Nicole Y. Leung, Anders Garm, Todd H. Oakley (edited by Ruthven (d)) — Jan Bielecki; Alexander K. Zaharoff, Nicole Y. Leung, Anders Garm, Todd H. Oakley (June 2014). "Ocular and Extraocular Expression of Opsins in the Rhopalium of Tripedalia cystophora (Cnidaria: Cubozoa)". PLOS ONE 9 (6). DOI:10.1371/journal.pone.0098870., CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=35741131

Certaines méduses, comme celles ci-dessus, ressemblent à un œil. C'est sûrement pour ça que l'auteur de la photo l'a nommé en partie "Expression oculaire et extraoculaire". L'œil étant une extension du cerveau, une excroissance, on peut se demander si, selon la théorie de Darwin, l'œil ne serait pas arrivé le premier après le têtard. La Méduse pourrait-elle être la première partie du cerveau humain qui n'aurait pas continué la mutation ayant donné l'espèce humaine à 4 grands tentacules (2 jambes et 2 bras) et 10 mini tentacules, vestiges ancestraux de nos nerfs optiques ? C'est peut-être pour ça que les aveugles voient avec le bout de leurs doigts... Peut-être pour cela aussi que l'on dit "tirer les lignes de la main", ce qui consisterait alors à vérifier l'alimentation cérébrale (rire :-D ), en regardant la mémoire dans les doigts. :-D  

Parfois, je suis contente de mon imaginaire => petite goutte de narcissisme

Si l'œil était là avant le cerveau, le nôtre a pu, en quelque sorte, emprisonner la plupart de nos tentacules optiques afin d'alimenter de l'intérieur l'électricité de notre encéphale, ce qui lui aurait ainsi permis de se développer en étant protégé du monde extérieur. La méduse dans l'eau est le miroir d'au moins la moitié de nos yeux, avec les nerfs électriques, ainsi que la moitié des yeux dans la tête et l'autre moitié capable de vivre au sec, même s'ils ont constamment besoin d'être humides. Nos yeux sont pareils à des sirènes ou des tritons. La moitié de leur corps vit dans l'eau, l'autre partie sur l'eau.  

C'est pour ça que je suis persuadée que les méduses animales sont douées d'intelligence. C'est juste qu'elles n'ont pas de bouche pour l'exprimer. Mais quand on sait qu'elles sont capables de s'agglutiner pour retourner un chalutier de dix tonnes ou pour bloquer un réacteur nucléaire, euh...  ça fait partir l'imagination dans tous les sens là ! Je n'aimerais pas me retrouver face à une méduse de 200 kg en train d'attraper les humains au lasso avec leurs tentacules, hein !

En parlant de chalutier, cela me rappelle que la méduse est aussi appelée "Gorgone". Alors, dans Gordone, il y a Gorgo et le Gorgo était un navire de guerre grec de la flotte royale qui serait un vestige de la bataille navale de 1821. L'histoire de la méduse/gorgone aurait-elle un lien avec ce navire ? En tout cas, elle en a un avec celle du "Radeau de la Méduse" qui illustre le tragique naufrage de la frégate française le 2 juillet 1816.

Une légende prémonitoire dit qu'au lancement de la cérémonie de la coque, un matelot aurait dit en voyant la figure de proue : "une mauvaise tête qui nous portera malheur".

Lorsque la frégate s'échoue à 48 km des côtes, les marins et les soldats s'entassent sur un radeau construit par l'équipage. Environ cent quarante-neuf hommes et une femme cantinière, une seule, avec un paquet de biscuit, deux barriques d'eau douce et de six barriques de vin. La peur et les disputes font tomber l'eau douce à la mer. Il n'y a plus que le vin pour étancher leur soif. Au bout d'une semaine, il ne restait plus que vingt-sept survivants. La déshydratation, la faim, le délire éthylique et la colère les mèneront à la folie. Ils se livrent alors au cannibalisme de survie, auront raison de la plupart d'entre eux (Georges Bordonove, le naufrage de la Méduse, Laffont, 1973, p. 147). À la deuxième semaine, ils n'étaient plus que quinze. Quand ils furent secourus, quatre ou cinq de plus décédèrent. Quarante-deux jours plus tard, seuls trois marins étaient encore en vie.

On ose à peine imaginer l'effroi qu'ont dû vivre ces gens. Je suppose que la peur et le désespoir devaient se lire sur leur visage, la dangerosité aussi. Dès le départ, les blessés furent jetés `l'eau afin de garder les rations de vin pour les plus résistants. Les plus faibles devaient être terrorisés, non seulement parce qu'ils étaient en pleine mer à tenter de survivre, mais également parce qu'ils devaient chaque jour se demander qui serait le prochain à se faire manger. 

Deux rescapés, l'ingénieur géographe Corréard et le chirurgien Savigny, qui rapportent cette scène dans le style fleuri de l'époque, décrivent les visages « anéantis, pétrifiés, hideux » des passagers et ajoutent : « Il semblait que la terrible Gorgone, dont nous portions le nom, était passée devant eux ! » 
Source : https://www.lhistoire.fr/la-v%C3%A9ritable-histoire-du-radeau-de-la-m%C3%A9duse

Je n'ose même pas penser à ce que la malheureuse et unique femme à bord à dû affronter face à ces hommes affamés transformés en monstre. Elle a dû tenter d'effrayer par des grimaces, ces hommes devenus fous et qui lui faisaient certainement peur. Est-ce la raison qui aura par la suite représenté la tête de la Gorgone comme une protection contre le mauvais œil ? Je vois le lien... Dans son étymologie, la Gorgone signifie "effrayante" et "protectrice".

L'expression d'un visage peut effrayer, mais aussi protéger, selon les conditions environnementales du moment. Avoir une tête horrible pour une femme empêche en principe tout homme de la désirer sexuellement, ce qui est un moyen d'autodéfense après avoir subi des violences, une façon de castrer l'éventuel violeur. Il en sera de même pour les garçons maltraités, qui, pour certains d'entre eux, prendront le pouvoir avant que quelqu'un ne vienne lui imposer le sien. Stratégie de défense là aussi. Faire sa tête de Méduse est comme un bouclier.

Le masque a donc pour fonction de traduire « l'extrême altérité, l'horreur terrifiante de ce qui est absolument autre, l'indicible, l'impensable, le pur chaos » : « Regarder Gorgô dans les yeux c'est se trouver nez à nez avec l'au-delà dans sa dimension de terreur. » Le rituel et le récit mythique ont pour but de permettre à la société de maîtriser l'angoisse :
« Depuis la nuit des temps, l'homme a cherché à donner forme à ses peurs pour mieux les maîtriser. Peur des réalités effrayantes qui l'entouraient, des forces de la nature qu'il ne comprenait pas, mais aussi peur des forces obscures de son monde interne, angoisse devant la sexualité, la destructivité, la mort, l'altérité. Pour mieux les contrôler, l'homme en a fait des divinités ; il a organisé des rites et des sacrifices pour s'en attirer les faveurs, il a inventé des mythes pour donner sens et contenu à ces rites. »


Sources : 
Jean-Pierre Vernant, La mort dans les yeux : Figures de l'Autre en Grèce ancienne. Artémis, Gorgô, Paris, Hachette, 1985. Et Jean-Louis Le Run, « D'un millénaire à l'autre, Méduse », Enfances & Psy, no 26,‎ 2005 


Longtemps, l'image de la Méduse était celle d'une horrible femme à la tête pleine de serpents, telles une pécheresse, une prostituée, une mauvaise femme. Mais de mythe en mythe, d'analyse en analyse, elle fut réhumanisée. Une historienne a même dit que ce qui fut comparé à des serpents était en fait de jolies boucles de cheveux. Quelle belle femme n'aurait pas un visage dévasté après un viol ? Quelle belle personne n'aurait pas un visage ravagé par la tristesse ou la colère après la mort d'un proche ? Qui n'aurait pas une tête effrayante en étant effrayé ?

La tête de Méduse renvoie donc autant au miroir de la bestialité qu'à celle de l'humanité, de la vie et de la mort, de la laideur et de la beauté. L'effet miroir de la Méduse renvoie la peur que l'on reçoit ou l'amour en retour.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/M%C3%A9duse_(mythologie)#Vernant_1985