61- A la recherche de l'Arche perdue

J'ai eu une discussion fortuite avec un individu que je rencontre occasionnellement en ville au sujet d'un désaccord sur le sens d'un terme particulier. Je perçois ce mot, « anarchie », comme un synonyme de « chaos », alors que, pour l'autre, il représente la « liberté ». À ce moment, j'ai soudainement réalisé que ce mot est composé du a privatif, comme dans « apolitique ». A-narchie signifierait donc « sans narchie » ? Mais « narchie » ne veut rien dire. Dois-je chercher sa signification ? Le mot « narchie » contient le mot « arche ». Si je relie le n au a, cela donne « an-ARCHIE ». An représente le temps et ARCHIE, l'arche… Aaaaaaanh ! A LA RECHERCHE DE L'ARCHE PERDUE ! C'est çaaaa !
En effectuant une recherche sur le mot « anarchie », je tombe par hasard sur un nom, « Proudhon », et je me demande soudainement si ce n'est pas lui qui aurait écrit le livre « À la recherche du temps perdu ». Ce livre me tentait énormément, mais je ne l'avais jamais lu. Pourquoi ? Je crois que je savais que la lecture de ce livre me prendrait beaucoup de temps, et que chaque phrase aurait pu me faire réfléchir pendant une journée complète. J'ai remis à plus tard cette tâche, et je le regrette un peu aujourd'hui. Selon ce que je sais, « À la recherche du temps perdu » est un roman qui parle de la mémoire, de l'expérience humaine et de la recherche du temps perdu…
Quand j'ai cherché sur Google « A la recherche de l'Arche perdue », je m'attendais à trouver des informations sur le film avec Indiana Jones, mais à la place, j'ai découvert des articles sur la Bible et le mythe de l'Arche d'Alliance, un objet sacré dans les traditions juives et chrétiennes. Selon la légende, cette Arche abriterait les Dix Commandements gravés par Moïse sur des tables après avoir reçu la révélation sur le mont Sinaï. Cette Arche de loi aurait protégé le peuple pendant 40 ans. Avant l'établissement des lois, c'était le règne de l'anarchie.
Pour le film avec Indiana Jones, j'ai fait une erreur : c'est le film « Les Aventuriers de l'arche perdue ». Les personnages sont des experts en matière d'arche et de son fonctionnement. On les désigne sous le nom d'archéologues. Ils étudient sa constitution, sa construction, ses significations, mais aussi d'autres choses. Les archéologues analysent l'être humain à partir des vestiges du passé.
Oh oui ! Je suis une archéologue des mots ! Je décrypte l'humanité à travers les écrits ! C'est la même chose, non ? :-)
Je vais regarder dans le dictionnaire :
Archéologie (définition wikipédia) : Le mot « archéologie » vient du grec ancien archaiología et est formé à partir des éléments archaíos « ancien », lui-même issu de arkhê, et lógos « mot, parole, discours, science ».
En réalité, l'archéologue se concentre principalement sur l'analyse de l'objet créé par l'homme, c'est-à-dire sur la technicité, dans le cadre de son travail.
Je croyais que la terminaison « logie » était liée à la logique, mais le fait que le mot « logos » soit issu de sa lignée est logique (héhé). Le verbe sacré de l'Arche. L'archéologue donne la parole à l'Arche. Il s'exprime sur le passé, en étant scientifique dans son approche.
En parcourant à nouveau le synopsis du long métrage mettant en scène Indiana Jones, je découvre que le récit relate des événements réels, mais sous une forme romancée pour l'adaptation cinématographique. On sait que les nazis ont fait tout leur possible pour mettre la main sur ce « coffre sacré », car, pour Hitler, il renfermait le pouvoir d'une grande supériorité militaire et spirituelle.
Je pense plutôt que son contenu avait la capacité de rétablir l'ordre via des lois justes. Les personnes malintentionnées auraient voulu en profiter pour faire des hommes des êtres obéissants et n'hésitant pas à se battre pour ce que représentent ces lois. Les gens ne se sont jamais battus "pour un Dieu". Ils se sont battus pour avoir le pouvoir d'utiliser les lois comme cela leur plaisait. Le "tu ne tueras point" devenait "tu iras tuer pour moi". Le "tu ne violeras pas une femme" (égal tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain) devenait "tu violeras au nom de la guerre". Le "Tu respecteras les anciens" devenait insolence, impolitesse et maltraitance. Et ainsi de suite.
Autrement dit, selon moi, ce que contient l'arche peut combattre les maux qui se sont échappés de l'arche de Pandore.
En clair, on nous dit que seules les lois peuvent ramener la paix face aux possessions qui gangrènent la planète. Ces possessions peuvent être — selon chacun — démoniaques, psychiatriques, extraterrestres, neurologiques ou technologiques. Je pourrais en trouver d'autres, mais, là comme ça, je ne les ai pas toutes en tête (et heureusement !) Ah si, possession économique et possession sexuelle.
Proudhon a été le premier a donné un sens au mot "anarchie". L'anarchie c'est la privation de l'arche, donc la privation de commandements. Ces commandements ne sont pas là pour dominer et prendre le pouvoir, mais au contraire pour amener des principes et des règles. Cependant, la corruption de ces commandements mènent à l'esclavage et non à l'établissement de la justice et de l'égalité.
Proudhon expliquait que la démocratie pure, c'est à-dire sans chefs et sans aucune forme de gouvernement dégénérait en anarchie et provoquait le chaos dans l'Etat.
Denis Diderot, dans l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (1751) complète cette définition, en la précisant et en supprimant toute référence au terme démocratie :
« C'est un désordre dans un État, qui consiste en ce que personne n'y a assez d'autorité pour commander et faire respecter les lois et que par conséquent le peuple se conduit comme il veut, sans subordination et sans police. Ce mot est composé de a privatif et de arche, Commandement. On peut affirmer que tout gouvernement en général tend au despotisme ou à l'anarchie. »
Et puis, il y eut un retournement positif du mot apparu en Allemagne en 1818, dans l'Encyclopédie universelle (Allgemeine Encyclopädie der Wissenschaften und Künste) publiée à Leipzig par Johann Samuel Ersch et Johann Gottfried Gruber
L'article « Anarchie » écrit par Karl Wenzeslaus Rodecker von Rotteck met alors l'accent sur :
« Une forme spécifique de rapport entre les hommes qui ont conclu un pacte civique d'association, mais sans aucune clause d'asservissement ; de ce fait ils bénéficient de la pleine liberté et de la reconnaissance mutuelle, sans aucune violence sociale, mais uniquement par la force de la décision unanime devenue égale. »
En 1789, le philosophe Proudhon se déclare anarchiste et assure que "la société cherche l'ordre dans l'anarchie". Il n'avait peut-être pas tort. Il cherchait l'ordre de l'arche, il cherchait le temps où elle avait été perdue en espérant la retrouver. A quel moment a-t-elle disparu exactement ? A partir de là, il sera peut-être plus facile de savoir où la chercher.
Certaines victimes cherchent à retrouver un ordre qu'elles n'ont jamais connu. Quand des criminels bafouent les lois, les victimes, si elles ne sont pas mortes physiquement, errent comme des fantômes dans leur vie. Le coupable a assassiné une partie d'elles-mêmes. Peut-être est-ce pour cette raison que certaines victimes en voient d'autres, des fantômes, parce que leur esprit flotte entre deux mondes.
10, 20, 30 ans, ou même plus peuvent s'écouler avant qu'une personne victime de viol parvienne à s'en remettre. Certaines ne s'en remettent jamais. QUE DE TEMPS PERDU ! Les violeurs sont des voleurs de temps ! En violant l'arche, ils violent les lois ! À cause d'eux, les victimes se retrouvent piégées dans une boucle spatio-temporelle : le passé fait partie du présent. Le viol occupe désormais un rang de souvenir, mais il demeure présent dans la mémoire, imprégnant ainsi le présent d'une permanence douloureuse. Cette réalité touche encore plus les personnes qui ont perdu un être cher à cause d'un crime.
Vouloir tourner la page, pardonner et s'élever au-dessus des événements passés est tentant, mais cela ne change rien à ce qui s'est réellement produit. Quelques psychopathes diront même que, si une victime ne retrouve pas sa joie deux ans après avoir subi un viol, c'est qu'elle a un problème pathologique. Ils inversent ainsi la responsabilité, faisant porter la faute sur la victime plutôt que sur l'agresseur. On souhaiterait qu'elle n'en parle plus jamais, qu'elle se taise à jamais, que l'on ignore toujours que quelqu'un a enfreint les lois et que le problème soit enterré sous le tapis de l'inconscient.
Quand la victime se tait, elle devient comme une arche perdue. Elle est cachée, au risque qu'on la vole encore, au lieu de l'admirer et de respecter ses lois naturelles.
Le mouvement #MeToo aurait dû éclater il y a au moins 5000 ans. Certains ont essayé de faire entendre raison. C'est le cas de Moïse avec sa loi sur le viol (et les autres lois), de Jésus, qui a considéré la femme comme son égale et qui a demandé qu'on cesse de la lapider, ou encore de Mahomet, qui a demandé aux hommes d'arrêter d'avoir des harems et d'enterrer les filles vivantes. Mais aujourd'hui, combien de lois divines se violent encore ? On pense entre autres au statut inférieur des femmes dans des pays comme l'Afghanistan et l'Iran, aux mutilations génitales féminines qui continuent d'être pratiquées en Afrique, aux mariages forcés, même chez les adolescentes, dans ce continent, et aux femmes qui sont contraintes de se prostituer partout sur la planète. On pense aussi aux femmes qui sont victimes de violences sexuelles, voire qui y laissent leur vie quand elles tentent de fuir cette violence.
Les hommes devraient s'abstenir de discuter de convictions religieuses lorsqu'ils entourent les femmes de tissus sombres pour les dissimuler, sans égard pour l'asphyxie potentielle de ces dernières. Les femmes sont souvent tenues pour responsables des désirs sexuels incontrôlés des hommes. Et, en raison de leur traitement comme des objets, certaines d'entre elles trouvent naturel de se frotter automatiquement leur derrière contre un sexe masculin dès qu'elles en voient un. Une vidéo tournée à Londres hier le démontre.
Des hommes et des femmes cherchent l'arche perdue. Mais ne se sont-ils jamais demandé si, un jour, ils avaient tenté de retrouver les lois perdues au fil du temps ? Je ne parle pas des lois arrangées pour certaines personnes et rédigées selon leurs convenances. Le commandement « ne convoite pas la femme de ton voisin" ne te donne pas la permission de convoiter celle qui n'est pas mariée. La traduction correcte dirait plutôt « ne viole pas". Le respect que tu dois à tes parents s'étend à tous les autres adultes. Une traduction plus juste serait de dire "tu honoreras les personnes âgées", même si elles ne sont pas de ta famille génétique, elles font partie de ta famille humaine. Le "tu ne te soumettras à nul autre que moi" devrait plutôt se comprendre comme " évite de te soumettre aveuglément à qui que ce soit et écoute ta conscience et la raison de ton esprit". Le "tu éviteras de créer des idoles ou des images pour leur rendre un culte", c'est plutôt "tu te laisseras posséder par qui prend soin du soi et cultive l'amour" ou "tu n'auras pas de vénération excessive à ton détriment ou au détriment de la société." Etc.