63- Le bord émotionnel

30/11/2024

Pourquoi je pleure ?  A cause d'un bord émotionnel.

Aujourd'hui, la curiosité m'a amenée à me rendre à une 

conférence sur la psychanalyse et l'autisme. 


1) Découvertes de similitudes entre autistes et HPE

J'ai eu envie d'assister à une conférence sur la psychanalyse et l'autisme aujourd'hui. Je l'ai trouvé intéressante, bien que j'aurais souhaité que le conférencier parle un peu plus et lise un peu moins. Mais je comprends qu'il ait choisi de s'appuyer sur un discour bien structuré pour être certain d'aborder tous les points importants et de ne rien omettre.

Le thème central m'a intéressée. 

Je ne souffre pas d'autisme, mais j'éprouve certains symptômes semblables, à cause, je suppose, de mon potentiel émotionnel. Par exemple, ma perception des détails s'avère aussi fine que celle d'un Asperger, mais c'est tout : je suis loin de posséder leur QI, même si le mien dépasse la norme. J'ai réalisé avec étonnement que ma nature candide, qui m'a toujours caractérisée, me pousse à accepter les propos des autres sans soupçonner la possibilité d'un mensonge de leur part. Ils le font juste pour se moquer de me voir les croire, ou parce qu'ils me manipulent pour me blesser. Cela continue de me surprendre, car lorsque je rencontre quelqu'un, je ne pense pas systématiquement qu'il est potentiellement quelqu'un qui peut devenir bête et méchant, mais je maitrise mieux cette situation. Quand j'exprime des vérités qui semblent inoffensives, elles suscitent souvent de l'irritation. Mentir pour ne pas déranger est très difficile pour moi.

J'ai rapidement compris qu'éviter l'écholalie était nécessaire, le jour où j'ai reçu une gifle pour avoir répété le mot « connasse » à une parente qui venait juste de m'insulter du même nom. De mon côté, je n'en avais pas le même droit. Alors, je me suis contentée d'imiter les animaux, mais là encore, j'ai réalisé que, si quelqu'un devait en être témoin, cela pouvait me valoir des moqueries. De ce fait, si je dois répéter les miaulements de mon chat, je préfère être seule avec ou, si je le fais, devant des gens qui sont très gentils et non dans le jugement.

Habituellement, lorsque j'écoute parler les gens à la radio ou à la télévision, leur voix ne me pose pas de problème. En revanche, dans la vie de tous les jours, certaines personnes ont une voix très criarde, trop aigüe pour mes oreilles.

Je vais maintenant expliquer pourquoi j'ai pleuré. Certaines personnes peuvent trouver cela stupide ou ridicule, mais l'avantage d'un blog, c'est que je n'aurai pas à les entendre.

Je sais que mes questions peuvent déranger, soit parce qu'elles sont trop nombreuses, soit à cause d'une mauvaise interprétation. J'ai donc limité mes interventions pendant la présentation de deux heures. J'ai seulement posé une question lorsque l'orateur a mentionné un bébé devenu autiste. J'ai donc attiré son attention en levant d'abord ma main pour demander la permission de lui poser une question, puis j'ai abordé le sujet du « devenir », c'est-à-dire quelque chose qui n'existait pas auparavant. Si le bébé est devenu autiste, cela signifie que ce trait ne se manifestait pas chez lui auparavant. Le Monsieur a expliqué que, lorsqu'on a filmé le bébé, les parents, comme tout le monde, ignoraient qu'il souffrait d'autisme. En réalité, il ne l'est devenu que lorsque les parents l'ont découvert. Plus tard, on me dira que ma question relevait du bon sens. En outre, l'orateur informera l'auditoire qu'il autorise les auditeurs à interrompre sa présentation pour soulever des questions. Mais j'ai été la seule à l'interrompre. Finalement, après la conférence, l'orateur et son collègue analyste demandèrent si nous avions des questions. Je rompis alors le silence pour demander des éclaircissements sur la notion de « bord de l'autiste ».

Autre point commun entre l'autiste et le HPE : l'hypersensibilité.

2) Le bord autistique

Le « bord » serait une source de confort pour l'autiste, lui permettant de réduire son mal-être. On distingue trois types de bords : l'objet, l'animal et l'île de compétence. Ces derniers lui permettent de réguler sa propre image, ce qui devrait avoir un effet apaisant. L'objet en question peut prendre diverses formes, telles qu'un cube, une peluche, une cuillère, n'importe quel objet. L'animal peut être un chat, un lion, une baleine, une fourmi, etc. ; l'autiste l'observera dans son quotidien, sur une image ou à la télévision, et cela lui fera du bien. Quant à l'île de compétences, elle correspond à des domaines de connaissances qui captivent particulièrement l'autiste. Par exemple, j'ai trouvé un intérêt commun avec l'autiste pour les lettres et les phrases, par le biais de l'étymologie et de la source des racines des mots en fonction de leur traduction géographique et des diverses interprétations à travers le monde.

Ces catégories servent de frontière protectrice (une barrière défensive) à l'égard du monde extérieur, mais aussi comme un chemin pour y accéder.

Le besoin d'être bordé de confort n'est pas un bord.

Après que le conférencier m'ait éclaircie sur le concept du bord, j'ai voulu comprendre pourquoi on avait choisi ce terme plutôt qu'un autre. Selon la définition que je m'en fais, de l'autre côté du bord se trouve le vide (au bord de la mer, au bord du précipice, au bord de la route). 

3) Sentiment de ne pas être acceptée par les gens

C'est à ce moment-là que cela a posé problème pour au moins une personne. Tandis que je proposais de comparer la situation à un mur de soutien, la personne censée en être un pour moi (si j'ai bien compris leur façon de travailler) s'est penchée vers mon oreille en récupérant le micro, en me suggérant de modérer mes propos. « Quoi ? Mais je n'ai posé qu'une seule question ? » L'émotion me submergea. Je n'ai pas bien compris au début, car, d'habitude, je suis accusée de poser trois questions alors que les autres en soumettent une seule. Pourtant, j'avais soigneusement évité de prendre la parole, bien que le conférencier ait explicitement invité les participants à poser des questions. La personne a alors ajouté que nous en reparlerions une prochaine fois, mais je sais déjà les reproches qu'elle m'adressera. Poser ma question sur la signification du bord était intéressant, mais suffisant. Je suppose qu'il va me faire remarquer que j'aurais dû m'abstenir de donner mon avis personnel, en ajoutant que le terme « bord » n'est peut-être pas le plus adapté pour décrire la zone de confort. En résumé, si les personnes expérimentées ont sélectionné un terme particulier, cela signifie qu'il s'agit du meilleur. Proposer un terme plus adéquat relèverait de l'absurdité ; sinon, je pourrais m'attirer les foudres d'un conservateur versus psy.

Bien que j'aie tenté de rester discrète, je n'ai pas pu empêcher la douleur émotionnelle de venir de mon cœur jusqu'à mes yeux, en passant par ma gorge. Que je fasse des efforts est toujours normal, mais les autres ont toujours du mal à accepter ma personnalité. Les questions des autres ne posent jamais de problème, mais les miennes en posent constamment.

Une personne bienveillante a tenté de m'éclairer sur le fait que, bien que j'aie parfois posé des questions judicieuses, certaines personnes ont du mal à tolérer mes interventions. Elle a utilisé l'exemple de ma comparaison entre les termes « génitif » et « génital ». Selon eux, qui ont 20 ans de plus que moi et sans aucun doute plus d'expérience, ces mots n'ont aucun lien logique. Cela les a choqués que je perturbe leur leçon, alors qu'ils sont venus pour écouter le professeur et apprendre. Par conséquent, ils pensent que mon ignorance et mon manque de culture posent problème. J'ai quand même essayé de lui faire comprendre que le mot « geni » dérive du mot « gyne », ce qui fait que, dans « genèse », on peut dire qu'il s'y trouve aussi de la « gynèse » ! Je m'excuse, mais lorsque deux mots ont une racine commune, cela indique généralement une connexion sous-jacente. Soit ces mots descendent d'un ancêtre commun, soit ils ont été créés à partir d'une racine commune à un moment donné dans le passé.

Quand je pose trop de questions, je dérange les autres. Bon, je ne suis pas responsable du fait que les autres n'aient qu'une idée alors que j'en ai deux ou plus. Les participants peuvent s'exprimer librement, sans prompteur ni temps de parole attribué à chacun, et je me suis adaptée en posant moins de questions. Cependant, j'ai réalisé que la raison pour laquelle on perçoit mes questions comme dérangeantes, c'est que ma personnalité se heurte au rejet en raison de la profondeur de mes réflexions. Je suis perturbante de deux manières. Tout d'abord, je comprends des concepts qui dépassent mes compétences, et je les rejette si je pense qu'ils sont injustes. Je peux également être source de trouble lorsque ma communication n'est pas correctement interprétée.

En conséquence, je réalise clairement qu'on me demande de me fondre dans la masse, alors que je dépasse du cadre. Je ne me sens pas à ma place, « ici », même si on m'a récemment fait cette remarque dans le but d'amortir la chute d'une requête visant à ce que je reste discrète, sauf pour partager des pensées qui n'entraîneraient jamais un changement d'opinion, conformément aux explications fournies par les anciens.

Voilà, comment à cause d'une simple phrase, je me suis sentie triste de midi à 18 h, incapable de me consacrer à mon travail littéraire. J'ai dû chercher mon « bord » dans l'écriture refuge, utilisant les mots comme une barrière protectrice contre la souffrance causée involontairement par un tiers. Mais si les mots peuvent tomber par-dessus bord, l'écran sur lequel je les vois se verser, au-delà de mon clavier, est un rempart émotionnel, qui évite à mon cœur de heurter un mur réel.

Conclusion : Je maintiens que l'expression « bord autistique » ne convient pas. Le terme « soutien » combiné à l'image d'un « mur de soutien » serait plus approprié, voire même un simple « soutien émotionnel ». Il ne reste plus qu'à poser la question aux personnes autistes : préfèrent-elles l'expression « bord autistique » ou « soutien émotionnel » ?