
66- La chute du lapsi et du lapsus
Je viens d'apprendre un nouveau mot : "lapsi". je ne savais même pas qu'il existait jusqu'à hier.
Le lapsi est un mot latin signifiant "Ceux qui sont tombés".
Mais quelle différence y-a-t-il entre un lapsi et un lapsus ?
Les mots « lapsi » et « lapsus » partagent une origine commune dans le préfixe latin « labi », qui signifie « glisser » ou « tomber ». Bien qu'ils appartiennent à des champs sémantiques différents, on observe un lien entre eux.
Cela met en évidence l'influence du langage sur l'évolution graduelle de la définition et de l'utilisation d'un mot.
Dans le christianisme primitif, on appelait les personnes qui avaient abandonné leur foi et recherchaient ensuite son pardon des « lapsi », mot issu du latin « laps » signifiant « chute, égarement, erreur, hérésie ou encore apostasie ». De la même manière qu'à l'époque de l'Inquisition, où une première faute (telle que l'étude de l'astronomie ou la remise en question des dogmes de l'Église avec l'héliocentrisme) pouvait être tolérée à condition de se repentir et de s'engager à renoncer à l'avenir à de telles études et à se consacrer plutôt à des études théologiques. Sinon, la torture et la mort étaient inévitables.
Le lapsi reflète une "chute" morale ou spirituelle.
« Lapsi » est le participe passé de « labi » (pour glisser et tomber). « Lapsus » est un substantif qui désigne un glissement dans le langage ou l'action.
Ce que je comprends, c'est que le mot « lapsi » a participé au passé primitif de sa vocation, alors que, dans la substance de son origine, le lapsus évoque plutôt le fait qu'une personne a cédé ou failli à un engagement moral ou éthique.
Les lapsus linguistiques, qu'ils soient oraux ou écrits, correspondent à des glissements involontaires de la langue qui révèlent souvent des vérités cachées ou des conflits inconscients. Ils peuvent également être attribués à de simple trébuchement de plume ou une maladresse de langue.
On définit les lapsi comme marqués par une faute ou un reniement, tandis que le lapsus caractérise une erreur involontaire.
Les deux mots à mes yeux font glisser un rejet hors d'eux. Pour le lapsi, la personne fait chuter sa foi et pour lapsus, c'est la chute d'une révélation inconsciente. La parallèle se dévoile subtilement, mais la dynamique s'avère riche de sens, si on se penche sur le sujet.
Le lapsi : c'est la chute de la foi.
Le lapsi est celui qui sous la pression ou la faiblesse fait tomber ou rejette sa foi. Ce rejet provient d'un glissement moral ou spirituel, c'est une abduction face à une contrainte extérieure comme la persécution, la peur, etc.). Le lapsi extériorise ce qu'il ressent, il renie les croyances qui ont façonné son identité spirituelle. Le lapsi renverse ce qu'il tenait pour sacré (sa foi) dans un acte de faiblesse ou de désaveu.
Le lapsus : C'est la chute d'une vérité refoulée
Le lapsus révèle un glissement interne, souvent inconscient qui force une vérité cachée ou refoulée à s'exprimer malgré nous et hors de nous. C'est un rejet de l'inconscient vers la conscience, la révélation d'un contenu intérieur pas suffisamment assumé, le poussant à se révéler lui-même. Le lapsus renverse une censure intérieure, révélant involontairement une vérité cachée.
Dans les deux cas, on observe un rejet hors de soi, avec une chute et une révélation.
Dans la symbolique, la chute est une perte de la maitrise, une défaillance qui brise l'équilibre.
Pour le lapsi, c'est une rupture entre l'être et son engagement spirituel.
Pour le lapsus, c'est une rupture entre la pensée consciente et inconsciente.
Attention, c'est maintenant que ça devient intéressant...
Ces glissements témoignent d'une lutte entre le contrôle et l'inéluctable vérité qui émerge, qu'elle soit morale, spirituelle ou psychologique. Ils mettent en évidence le fait que, face à certains pouvoirs (peur, subconscient, pression sociale), notre détermination faiblit, révélant ainsi ce que nous cherchons à dissimuler ou à préserver.
Les termes « lapsus » et « lapsi » s'enracinent progressivement dans une perception renouvelée de l'être humain et du symbole, faisant évoluer le concept de « chute » vers celui de révélation ou de mise à nu.
À mon avis, le terme « lapsi » ne se limite pas au domaine religieux. Il peut également s'appliquer à une situation où quelqu'un consent à avoir des rapports sexuels sous la pression, malgré son initiale réserve. Ce serait alors un lapsi, résultant soit d'un sentiment d'obligation, soit d'un manque de force. Si l'on se base sur les concepts de « chute » ou de « retrait », on pourrait qualifier tout affrontement éthique, physique ou mental de « lapsi ».
Dans le contexte corporel ou relationnel
Lorsqu'une femme se soumet à des relations sexuelles sous la contrainte, le terme « lapsi » suggère qu'elle a renoncé à son libre arbitre face à une forme de domination ou à une pression extérieure (viol avec ou sans conjugalité, mariage forcé, etc.). Le concept de « religion corporelle » devient une métaphore pour désigner les dogmes ou injonctions socioculturelles autour du corps, de la sexualité ou des relations. Une femme lapsi, on peut la considérer comme une personne qui a dévié de ses valeurs fondamentales et de sa philosophie de vie, mais ce n'est pas par faiblesse morale, si la raison résulte d'une contrainte subie, d'une rupture forcée avec ses propres limites ou valeurs, avec son « non-consentement ». En surmontant son hostilité initiale, la personne soumise (lapsi) refoule l'agression en se sentant tenue de le faire. Elle adopte une attitude passive, feignant que tout va bien, prétendant avoir donné son consentement, dans le but d'éviter une escalade chez le partenaire dominant, qui a déjà établi un contrôle physique sur son corps, ignorant les indices de refus de sa victime ou l'absence de signe de désir mutuel. On peut donc qualifier de « lapsi » une victime de viol ou d'agression sexuelle, même si l'agresseur fait croire à la victime que c'était consenti, alors qu'il ne lui a pas laissé le choix.
Dans le domaine social ou éthique
Le mot pourrait s'appliquer à d'autres formes de renoncements sous pression, comme une personne qui cède à la corruption dans un contexte professionnel ou un individu qui trahit ses convictions morales par crainte des conséquences (ex : dénonciation d'un proche pour protéger sa propre sécurité). Ce lapsi social ou éthique traduirait une chute face à une force extérieure, au prix du sacrifice de son intégrité.
Dans une perspective psychologique ou existentielle
Sur un plan plus abstrait, lapsi pourrait désigner des moments où un individu renonce à une partie de lui-même, de ses désirs ou de ses convictions profondes, face à des contraintes internes ou externes. On pourrait l'illustrer par la décision prise par une personne qui abandonne un rêve de longue date afin de s'adapter aux exigences de sa famille ou de la société.
Le lapsi correspond à une tension entre la fidélité à soi-même et les facteurs externes. Il représente une rupture entre la véritable nature de soi et des forces coercitives. C'est le moment où, sous la contrainte, on renonce à une conviction, qu'elle soit religieuse, morale, physique ou éthique.
Relance sémantique
Le terme « lapsi » décrit un état où l'abdication ne représente plus seulement une défaillance, mais une réponse humaine à une contrainte trop forte, une tension intolérable. Parler de lapsi dans des situations quotidiennes peut aider à mettre en évidence les mécanismes de pression, de pouvoir et de renoncement souvent invisibilisés.
Conclusion
On perçoit souvent le lapsus, ce moment où notre parole échappe à notre contrôle, comme le reflet de nos pensées inconscientes. Ce peut être, par exemple, confondre deux mots ou entendre mal. En revanche, on appelle « lapsi » quelqu'un qui, intentionnellement ou non, abandonne sa religion, ses convictions ou son code moral. Le terme « lapsi » évoque une forme d'éloignement volontaire ou involontaire de croyances fondamentales, tandis que celui de « lapsus » désigne plutôt une expression incontrôlée, souvent inconsciente, de pensées ou de sentiments. Bien qu'ils partagent tous les deux une dynamique de séparation, ils diffèrent quant à leur nature : le premier correspond à une transgression de la fidélité ou des valeurs, alors que le second représente une brève apparition du subconscient. Le concept de « lapsi » peut éventuellement être étendu aux circonstances où un individu cède à une influence externe, renonce à sa détermination, à ses valeurs profondes, voire à son libre arbitre et à son autonomie face à cette contrainte. L'idée de l'abandon sous pression, soit une sorte de déviation de soi (une trahison de soi), permettrait d'élargir la portée de ce mot au-delà du contexte religieux et de le rendre applicable à des dynamiques de pouvoir dans différents domaines, comme les relations interpersonnelles.
Comment employer le mot "lapsi"
- Cette personne a vécu un lapsi.
- Elle se sent lapsi, contrainte de porter le voile. (lapsi vestimentaire)
- Il vit une situation lapsive, tiraillé entre sa culture et ses désirs personnels.
- Elle a lapsé sous la pression familiale.
- Une pratique religieuse imposée devient un lapsi spirituel ou culturel.
- Il se sent lapsisé dans une carrière qu'il n'a pas choisi.
Rôle actif des "lapseurs"
Le terme « lapsi » pourrait s'étendre aux sphères éducatives, sportives ou culturelles en référence à des situations où les décisions des enfants sont « glissés » sous influence ou contrainte d'une figure d'autorité. Cela pourrait inclure des situations où un père pousse son fils à jouer au football parce qu'il a rêvé de devenir un joueur professionnel ou une mère qui insiste pour que sa fille s'inscrive en danse classique parce qu'elle l'a pratiquée elle-même ou parce qu'elle aurait aimé en faire. Certains parents poussent également leurs enfants à s'engager dans des études prestigieuses, telles que la médecine ou le droit, alors que l'enfant préfèrerait suivre une vocation artistique ou manuelle. Dans ce cas, ce sont les parents qui lapsisent leurs enfants.
En langage moderne, on pourrait qualifier ces situations de « lapseurs » (ceux qui imposent leur choix) et de « lapsisés » (ceux qui sont contraints de les accepter contre leur gré). L'idée de "lapsisation" permettrait de mettre en lumière des mécanismes souvent invisibles, mais très répandus de :
- Pressions conscientes : Parents imposants directement des choix par autorité ou tradition.
- Pressions inconscientes : Influence subtile où l'enfant intègre les désirs parentaux comme s'ils étaient les siens (conditionnement).
Dimension philosophique, psychologique et criminologique
- Droit à l'autodétermination : A quel moment un individu devient-il "lapsisé" et perd-il la maitrise de ce choix ?
- La responsabilité des lapseurs : Quelle part de ce conditionnement est intentionnelle et quelle part relève de la transmission culturelle ou émotionnelle ?