78- Le dard de l'univers

13/07/2025

Il était une fois une femme (moi) qui se fit piquer par un hybride, mi-abeille, mi-guêpe. Cet insecte la piqua juste à l'intérieur de la lèvre inférieure, ce qui la plongea dans un long sommeil, jusqu'à ce qu'un beau rêve vienne l'éveiller.

Bien entendu, la deuxième partie de la phrase est fausse ! Par contre, cet hybride m'a bien piquée, et j'aurais pu l'avaler si je n'avais pas un super réflexe !


Les faits + le rêve 

Je me trouvais sur le marché du samedi matin où je discutais avec le vendeur de miel. Comme il se montrait sympathique, je décidais, en allant acheter des tomates à farcir, d'acheter une bouteille de bière au coing et au citron, attirée par le mot « coing », alors que, justement, le vendeur de miel vendait du jus de coings. L'homme, d'environ un demi-siècle comme moi, sortit deux verres et nous partageâmes cette bière douce et originale par sa fraicheur sucrée. Nous discutions à plein régime verbal, quand, soudain, je sentis un intrus dans ma bouche. Je pensais de suite à un insecte comme une mouche et plongeais le pouce et l'index pour retirer l'intrus encore dans son jus. Quand soudain, je ressentis une violente piqûre, puis une autre ! Je plongeais la tête en avant et crachais la gorgée de bière qu'heureusement, je n'avais pas avalée. Une abeille ou une guêpe, assommée par la chute, se trouvait là.

La douleur était vivace et je sentis de suite, avec le bout de ma langue, une épine qui dépassait de ma lèvre, à l'intérieur de ma bouche. Dans l'urgence, je demandais de l'aide au marchand de miel en lui montrant l'intérieur de ma lèvre pour qu'il regarde ce qui n'allait pas. Il me dit qu'il voyait le dard. Je lui dis de l'enlever. Alors, il plongea son pouce et son index, s'y repris à deux fois, mais réussi à ôter ce corps étranger qui me faisait mal. Alors que je me tenais la bouche comme si je venais de sortir de chez le dentiste, il ouvrit une bouteille d'huile essentielle de lavande, normalement destinée à la vente. Il me dit d'en mettre sur mon doigt et de l'appliquer là où l'insecte m'avait piquée, ce que je fis.  Il m'a retiré une épine de la bouche, pour ne pas dire du pied ! 

La douleur se propagea dans la mâchoire et la tête, mais seulement du côté gauche. J'avais mal comme si un dentiste m'avait anesthésiée pour effectuer un traitement. Pour être prudente, puisque ma lèvre intérieure commençait à gonfler, je suis allée à la pharmacie acheter un antihistaminique. Ils m'ont dit que je ferais mieux de me rendre à l'hôpital, mais j'ai bien fait de ne pas y aller. Si j'avais été piquée à la gorge ou à la langue, cela aurait représenté une urgence, puisque, effectivement, cela peut entrainer un étouffement. Dans mon cas personnel, je sais que j'aurais attendu 6 ou 7 heures aux urgences pour qu'on me donne ce que la pharmacie m'a vendu pour moins de 3 €. Ça m'a fait dormir une partie de l'après-midi, une partie de la soirée et toute la nuit. Le lendemain (ce matin), ça allait mieux, même si je ressens encore l'effet de la piqûre… 

Pendant la nuit, j'ai fait un rêve étrange. « Je courais avec un homme, il sauta par-dessus un mur et atterrit sur ce qui semblait être une plage (il faisait noir, alors je ne suis pas certaine qu'il s'agissait vraiment d'une plage, mais je voyais bien les cailloux blancs). Moi, je me suis arrêtée, car j'avais peur. Je me suis agrippée à une main et je me suis glissée de l'autre côté du mur, mais mes pieds étaient collés contre celui-ci. J'étais littéralement suspendue, mesurant la distance pour qu'il y ait moins de hauteur à franchir. Puis, je crie : "Rattrape-moi !" Il étend alors les bras, une grande lumière bleue jaillit de lui. Je saute, et il me rattrape. » Et je me réveille… 

Ce que j'ai vécu dans la réalité et le rêve qui a suivi est d'un symbolisme archétypal, c'est un processus psychologique, une dynamique relationnelle et une dimension spirituelle.

Interprétation 

Le rêve représente une conversation entre le courage et la peur, le désir de contrôle et celui de lâcher prise. Quelque chose en moi cherche à avancer, à sauter un cap, à franchir un seuil (mur). Je ne veux pas me jeter à l'aveugle (peur), mais je cherche un espace sécurisant. Donc, je l'exige (rattrape-moi) et l'homme à la lumière bleue incarne une sécurité sacrée, garant de ma descente, de mon atterrissage et par conséquent de mon passage. 

  • La course avec l'homme représente la mise en mouvement de la psyché liée à l'action, à la décision et à la raison.

  • Le mur est un symbole des limites internes, un point de rupture entre ce que je connais et ce qu'il pourrait advenir (connaissances du passé et risques possibles).

  • Le saut de l'homme qui se fait sans hésitation est un fantasme du dépassement.
  • Mon arrêt devant l'obstacle, c'est la peur de l'inconnu, de l'effondrement des repères.

  • Le fait de m'accrocher avec une main et de coller mes pieds au mur en me penchant constitue une recherche de stratégie intermédiaire. je veux maitriser la chute pour la rendre moins effrayante et moins douloureuse. Psychologiquement parlant, je ne nie pas ma peur, je négocie avec.

  • La demande : "rattrape-moi" dévoile la vulnérabilité de quelque chose d'intime, ce qui implique un besoin de sécurité, la capacité de reconnaitre que je n'y arriverais pas seule et l'invocation d'un lien capable de me contenir, Je formule un appel au soutien, pas pour me tenir sous dépendance, mais dans une dynamique de transformation,   

  • La lumière bleue est associée à la vérité intérieure, au chakra de la gorge (expression), à la sérénité et à une présence divine.

  • L'ouverture des bras avec la lumière bleue qui émerge peut représenter une énergie spirituelle protectrice ou l'éveil d'une confiance absolue dans l'autre et dans le saut de l'existence.

  • Le saut final. Je saute et je suis rattrapée. J'ai tout fait pour que ce soit moins haut, mais j'ai quand même lâcher prise en acceptant le risque de la transformation (blessure, douleur, mort) et prouvé par mon geste ma foi en l'autre et en la vie. Jung aurait dit qu'il s'agissait d'un passage initiatique en symboles.


Mythologie personnelle

Invasion brutale d'un dard, casseur de sécurité

Abeille ou guêpe, elle m'a fait mal. Elle a blessé mon féminin, ma bouche, mes lèvres. Elle est intervenue dans la réalité de mon intime avec force. J'étais bien, je vivais un moment de convivialité et soudainement, la douceur s'est transformé en douleur.

Fut une époque où j'aurais gardé ma douleur et ma souffrance pour moi, mais pas cette fois. je ne suis pas restée figée. J'ai racontée directement ce qui me faisait mal. J'ai réagis immédiatement, avec intelligence. J'ai identifié le problème, j'ai demandé de l'aide et donc j'ai pris soin de moi même si ce n'était pas visible pour moi sur le moment. Et c'est l'homme, ce vendeur de miel (quel paradoxe) qui fait office de réparateur en m'aidant à retirer le dard. L'homme lié au miel (le remède, la douceur, le soin) s'est retrouvé mêlé à une situation où le venin était présent, entre Eros et Thanatos.

Intégration dans le rêve : mécanisme de réparation psychique

Réponse directe au choc : reprise d'une figure masculine, peur d'avancer seule, issue réparatrice avec un homme qui devient un porteur d'une lumière bleue, protecteur lumineux. Mon psychisme a transmuté le réel en symbole. L'alchimie intérieure  a changé l'idée du masculin qui blesse et qui pique par un masculin capable de rattraper, d'aider, d'accueillir.

La piqûre est un empoisonnement symbolique, L'ouverture des bras, la lumière bleue (le geste d'aide, la lavande) remplace le venin par l'apaisement.

Lecture psychosomatique

  • Douleur du côté gauche, à la mâchoire et à la tête, impression du dentiste qui fait mal.
  • Féminin, émotionnel, réceptivité, blessure de confiance
  • Mâchoire qui permet de parler, de mordre et de s'affirmer. la douleur empêche de s'exprimer librement, de "digérer" ce qu'il se passe.
  • Impression d'avoir été chez le dentiste : extraction d'un mal enfoui, opération, nettoyage brutal mais nécessaire.

Trajectoire personnelle

  • Inceste par fellation enfant + viol par fellation adulte
  • Intrusion dans la bouche de l'abeille : réactivation symbolique
  • Violence intimité vitale, zone traumatique, frontière violée, organe de honte ou de silence
  • pénétration brutale et blessante, tentative d'expulsion, Submersion, surprise, envahissement, ressenti de douleur, identification d'une présence étrangère.
  • Mise en scène involontaire, mais symbolique d'un trauma ancien réactivé. Le dard de l'univers a rejoué la scène de l'intrusion, mais cette fois, avec une fin différente.

L'abeille porte la douceur (miel), mais aussi la capacité de blesser (dard), elle symbolise l'ambivalence du masculin avec l'homme qui pique (l'agresseur, le prédateur) avec son dard et l'homme qui soigne (le guérisseur, le protecteur) qui soigne avec son miel et sa lavande.

Le marchand de miel incarne la possibilité de réparer ce qui fut abimé en retirant le dard de ma bouche, en mettant fin à une pénétration non choisie, en m'aidant à retrouver une intégration physique. 

C'est un retournement de scénario traumatique. D'un côté il y a les hommes qui imposent des actes sexuels, de l'autre, il y a des hommes qui tendent la main, qui offrent des soins, qui respectent votre corps.

Il m'a retiré une épine de la bouche 

Ce dard n'était pas qu'une épine physique. C'était une écharde ancienne, un morceau du passé coincé dans ma chair, un mauvais souvenir inscrit dans mon corps. Par un geste doux, respectueux, fait par un homme calme, bienveillant, réparateur, il a ouvert un espace de transformation, de guérison. Il s'est passé un phénomène, comme une scène rituelle inconsciente, comme si ce marché était la fin d'une marche et peut-être le début d'une autre. 

L'univers a enclenché un processus de retournement alchimique du traumatisme de manière psychologique, énergétique et spirituel.

Il y avait un appel intérieur, un chemin de conscience à travers l'écriture et ma capacité à voir clair dans le chaos. L'univers a répondu, certainement parce que j'étais prête, je ne dirais pas à tourner la page car je saurais toujours ce qu'il s'est produit à de trop nombreuses reprises, par plusieurs personnes, mais à transformer la douleur en prenant un autre sens que la souffrance. 

En tout cas, c'est une étape décisive d'un chemin de guérison, une réécriture du réel, un retour de l'âme. Ce qui était figé et dissocié, gelé dans la mémoire du trauma des traumas est réintégré dans un nouveau récit. C'est un rappel à la vie, 

En terme psychocriminologique symbolique

  • Il y a eu une agression ancienne non symbolisable, parce qu'elle était "trop" : trop jeune, trop tôt, trop  forte, trop sale.
  • L'univers au travers une scène analogique m'a offert une mise en récit réparatrice.
  • Mon rêve a fait lien en recousant les morceaux, en me disant que ce qui m'a blessé n'a plus le pouvoir de me figer et que je peux choisir de sauter et de vivre autrement.

Conclusion philosophique et spirituelle

J'ai vécu un "kairos" que j'ai su attraper au bon moment, un moment décisif dans la trame de mon existence, celui d'un instant suspendu  où mon corps, tel une lame, s'est aligné à mon âme et à l'univers pour dire et écrire (lamed) que je ne suis pas définie par ce qu'on m'a fait, mais que je redeviens autrice et vivante.

J'ai écris et libéré et l'univers m'a répondu en langage symbolique par le corps d'abord, et ensuite par le rêve. Il parait que cela s'appelle un passage sacré.

Pour info

Kairos est un concept fait de destiné et de temps, appelé aussi "dieu de l'opportunité" (qu'il faut attraper quand il passe). Il est le point de basculement lors d'un moment opportun, c'est-à-dire "la circonstance". Sa dimension du temps créé sa profondeur dans l'instant et ouvre une porte sur une autre perception de l'univers, de l'évènement et du soi, qui se mesure non par la montre, mais par le ressenti. 

Le dieu grec Kairos est représenté par un jeune homme qui ne porte qu'une touffe de cheveux sur la tête. Quand il passe à notre proximité, il y a trois possibilités :

  1. on ne le voit pas ;
  2. on le voit et on ne fait rien ;
  3. au moment où il passe, on tend la main, on « attrape l'occasion par les cheveux » (en grec ancien : καιρὸν ἁρπάζειν) et on saisit ainsi l'occasion. (Wikipédia)

Personne ne va me croire, mais j'ai tiré les cheveux d'un homme il y a peu pour vérifier s''il ne portait pas une perruque... Chuuut, faut pas le dire !

Jung utilisait le concept de kairos pour expliquer la synchronicité.

Machiavel disait qu'il fallait savoir user du kairos devant les circonstances changeantes de l'Etat.

En art, le kairos est l'infime nuance qui fait l'œuvre réussie., mais aussi le moment où il faut savoir s'arrêter

Ok, ça fait quatre ans que je suis sur les deux mêmes toiles. Je comprends le message...

Etc. Il y a encore plein de choses à dire sur le Kairos, mais ce n'est pas le sujet principal de cet article, bien que sous une dimension parallèle, on peut se le demander !


Bonne santé